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Categorie: Baux commerciaux & professionnels - Droit des affaires et de l'Entreprise, Droit des Personnes et du Patrimoine, Veille Juridique
Auteur : Frédéric DAGRAS, avocat associé et Alexandre AURIOL-BALLAROTTA, docteur en droit

Action en garantie des vices cachés : Enfin la lumière au bout du tunnel !

La Chambre mixte de la Cour de cassation a enfin circonscrit les contours de l'action en vices cachés


Le débat sur les contours de l’action en vices cachés agite les professionnels du droit depuis de nombreuses années : forclusion ? Prescription ? Interruption par le référé-expertise ? Reprise des délais à l’ordonnance désignant l’expert ou au dépôt du rapport d’expertise ? Délai d’action de 2 ans enfermé dans un délai butoir de 5 ans ou de 20 ans à compter de la vente ?

Ces incertitudes obligeaient bien souvent, par mesure de sécurité, d’assigner au fond avant même le dépôt du rapport d’expertise afin d’interrompre le délai.

La Chambre mixte de la Cour de cassation a enfin circonscrit les contours de cette action dans une série de 4 arrêts (Chambre mixte - Pourvois n° 21-15.809, 21-17.789, 21-19.936, 20-10.763).

 

Nous reprendrons, ci-après, les développements de la Cour.

 

 

Rappel des faits généraux 

 

Les décisions rendues par la Cour de cassation, au centre de nombreux enjeux économiques, répondent tant aux interrogations des consommateurs, particuliers ou commerçants, qui ont découvert un défaut de la chose vendue et doivent connaître le temps dont ils disposent pour engager une action en réparation, qu’à celles des vendeurs sur lesquels pèse une obligation de garantie.

 

Repère : La garantie des vices cachés

Articles 1641 et suivants du code civil

La garantie des vices cachés protège les acquéreurs : elle impose au vendeur professionnel ou occasionnel de livrer un bien sans défaut (dit « vice ») susceptible de compromettre l'utilisation que l'acheteur souhaite en faire. 

Cette garantie s’applique à un vice caché lors de la vente : l’action doit être engagée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut.  

 

 

Question n° 1. Délai de prescription ou de forclusion

 

Une personne a deux ans pour engager une action en garantie des vices cachés. Mais l’exécution d’une mesure d’expertise a-t-elle pour effet de suspendre ce délai ? Pour répondre à cette question, la Cour doit déterminer la nature juridique de ce délai.

  • S’agit-il d’un délai de « prescription » ?

Le délai de « prescription » est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire. Or, ce délai peut être suspendu.

  • S’agit-il d’un délai de « forclusion » ? 

Le délai de « forclusion » est un délai légal, d’une durée simple et limitée, prévu spécifiquement pour une action particulière. Une fois ce délai écoulé, l’action qu’il concerne s’éteint.

En principe, ce délai ne peut pas être suspendu.

 

Réponse n° 1. Un délai de prescription

 

Le délai de 2 ans prévu pour intenter une action en garantie à raison des vices cachés d’un bien vendu est un délai de prescription qui peut donc être suspendu, en particulier lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée.

La chambre mixte de la Cour de cassation met fin à une hésitation chronique sur la nature du délai, une partie de la jurisprudence retenant la qualification de délai de forclusion qui écartait toute possibilité de suspension et recommençait à courir dès l’ordonnance désignant l’expert, contraignant ainsi le demandeur à assigner dans les deux ans de cette ordonnance même si les opérations d’expertise étaient en cours.

Ainsi, le délai de prescription de deux ans qui a été interrompu par la délivrance de l’assignation en référé-expertise, sera suspendu pendant les opérations expertales et le délai de prescription recommencera à courir à compter du dépôt du rapport d’expertise pour une nouvelle durée de 2

 

 

Question n° 2. Délai butoir

 

Le délai de 2 ans dont dispose une personne pour exercer une action en garantie des vices cachés s’écoule à compter de la découverte du défaut par l’acquéreur. Mais ce délai est-il encadré par un second délai dit « butoir » qui, lui, s’écoule à compter de la vente du bien ? 

 

Repère : Le délai butoir

Cette technique consiste à combiner un délai dont le point de départ est subjectif ou glissant (ex. : la découverte d’un vice caché) avec un délai dont le point de départ est objectif (ex. : la date du contrat de vente du bien) et dont la durée ne peut être prolongée. L’application d’un délai butoir en matière de garantie des vices cachés conduit à faire obstacle à l’action en garantie de l’acheteur qui ne découvre le vice qu’après l’expiration du délai butoir.

 

Réponse n° 2. L’existence d’un délai butoir

 

Pour engager une action en garantie des vices cachés l’acheteur doit saisir la justice :

  • dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du défaut affectant le bien qui lui a été vendu

mais aussi

  • dans un délai de 20 ans à compter de la vente du bien.

La Cour de cassation consacre donc l’existence d’un délai butoir de 20 ans qui encadre l’action en garantie des vices cachés. 

 

La Cour établit ainsi un équilibre entre :

  • la protection des droits des consommateurs, qui ne doivent pas perdre leur droit d’agir lorsqu’il découvre tardivement un vice caché

et

  • les impératifs de la vie économique, qui imposent que l’on ne puisse rechercher indéfiniment la garantie d’un vendeur ou d’un fabricant.
  •  

La Cour de cassation apporte la même solution :

  • qu’il s’agisse d’une vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats ;
  • quelle que soit la nature du bien, mettant fin ainsi la dichotomie temporelle selon la nature mobilière ou immobilière du bien vendu

 

Cette solution unique appliquée à différents cas de figure vise à renforcer la sécurité juridique. Une personne qui découvre le défaut du bien qui lui a été vendu, a deux ans à compter de la découverte pour engager une action en garantie des vices cachées. Ce délai peut être suspendu lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée par le Juge des Référés. Cette action en garantie doit aussi être engagée dans un délai de 20 ans à compter de la vente du bien.

 

 

Le cabinet ALTIJ vous conseille et assiste dans les contentieux relatifs aux vices cachés.

 

 

Frédéric DAGRAS
Alexandre AURIOL-BALLAROTTA

 

 

 

Lien vers les décisions de la Cour de Cassation :

Chambre mixte - Pourvois n°21-15.809 :
 https://www.courdecassation.fr/decision/64ba2212354f98d9699d502d

Chambre mixte - Pourvois n°21-17.789 : 
https://www.courdecassation.fr/decision/64ba2214354f98d9699d502f

Chambre mixte - Pourvois n°21-19.936 : 
https://www.courdecassation.fr/decision/64ba2216354f98d9699d5031

Chambre mixte - Pourvois n°20-10.763 :
https://www.courdecassation.fr/decision/64ba2219354f98d9699d5033